Le 73e congrès de la FIFA se déroule à Kigali. Il réunit 211 fédérations nationales qui vont renouveler le mandat du président actuel, Gianni Infantino. Il faut dire qu’il n’y aura aucun suspense, car il est le seul candidat en lice.

Sous son règne, le président Infantino a gonflé les tiroirs caisses de l’organisation internationale. Sur le site de la FIFA, le bilan se passe de commentaires.

À fin 2022, le bilan de la FIFA présente un total de 6796 millions US (9380 M$ CA), soit une augmentation de 2407 millions US (3320 M$ CA) par rapport à la fin du cycle 2015-2018. Les actifs sous forme de trésorerie et d’équivalents de trésorerie et les actifs financiers s’élèvent à 5745 millions US (8000 M$ CA), soit une part considérable du total des actifs (85 %). La FIFA conserve également un bon niveau de liquidités, comme en témoigne son ratio de liquidité́ générale de 229 %, peut-on y lire.

Si, au sein de la FIFA, aucune grogne apparente se fait sentir, à l’extérieur des voix s’élèvent et réclament un changement radical de l’organisation qui, faut-il le rappeler, est à but non lucratif, un OBNL de droit Suisse.

Parmi ces voix, il y a celle de Magaye Gaye, un économiste sénégalais, professeur à l’Institut supérieur de gestion de Paris. Joint par Radio-Canada Sports, il s’est tout d’abord expliqué sur le titre de son article paru dans le journal Jeune Afrique : Il faut réformer la FIFA, malade de sa richesse.

« Nous avons un monde où la croissance est aujourd’hui en berne. Un monde avec une guerre en Ukraine, un monde où le chômage est extrêmement élevé, sans oublier l’immigration clandestine. […] Dans ce cadre-là, je suis désolé de constater que, sous prétexte de sport, sous prétexte du football qui intéresse une très grande partie de la jeunesse mondiale, un groupuscule d’hommes et de femmes, contre toutes règles démocratiques, s’arroge le droit de gérer pour nous tous, des milliards et des milliards de dollars sans rendre de comptes », dit M. Gaye.

L’économiste s’interroge également sur ce qu’il considère comme un non-sens, et même un paradoxe : que la FIFA soit un OBNL.

« Comment peut-on parler d’organisme à but non lucratif et brasser en même temps 7 milliards d’euros (10 G$ CA) au cours des quatre dernières années avec un bénéfice de plus d’un milliard d’euros (1,45 G$ CA)! Son statut pose donc problème. De plus, c’est une association qui a été créée il y a plus d’un siècle à une époque où les problématiques étaient complètement différentes de celles que nous vivons aujourd’hui. Il faut donc repenser ce statut juridique là ».

Selon le professeur de gestion, il faudrait davantage penser à un modèle d’établissement public et commercial avec des organes délibérants, comme la Banque mondiale qui a un conseil d’administration et un conseil général des actionnaires.

« La FIFA doit être un espace public. Comment comprendre que même les émoluments du président soient inconnus ? Comment accepter qu’un président puisse rester 10 ans, 15 ans, 20 ans, alors que des compétences attendent avec une jeunesse capable de gérer et qui est plus au diapason de ce qui se passe dans le monde ? »

Pour Magaye Gaye, il faut que les États prennent possession de la FIFA car, après tout, ce sont eux qui sont les principaux investisseurs dans le monde du soccer, avec leurs écoles, la construction des stades, la création d’événements, les financements publics des infrastructures.

« Il faut qu’aujourd’hui, les États arrivent à se réapproprier cette FIFA, arrivent à définir des périmètres de contrôle. Cela pourrait être aussi simple qu’un conseil des gouverneurs composé des ministres des Sports, un conseil d’administration qui serait représenté par des directeurs sportifs qui connaissent bien le milieu et ses besoins, soutient M. Gaye. Car le problème aujourd’hui est la cooptation de ce qu’on appelle les anciens footballeurs qui n’ont pas les compétences pour diriger. Il faut donc mettre un terme à cela. L’ONU pourrait également jouer un rôle, car la FIFA est notre bien à tous. On pourrait imaginer la désignation de commissaires aux comptes qui seraient les garants d’une bonne gouvernance transparente ».

L’économiste sénégalais s’interroge aussi sur les sommes reversées aux fédérations et associations nationales qui échappent totalement aux contrôles de l’État. De l’argent qui devrait être redistribué de manière plus équitable.

« La FIFA devrait avoir aussi un rôle social et je propose que 20 % des bénéfices soient reversés à des activités caritatives en soutien aux jeunes, aux femmes et aux handicapés »

Quand on demande à Magaye Gaye si, pour lui, Gianni Infantino est l’homme du changement et de la situation, la réponse est claire et directe.

« Très honnêtement, je ne pense pas que cela soit un problème d’homme, mais de système. C’est le système qu’il faut changer. Monsieur Infantino est là, mais je suis certain qu’une autre personne à sa place ferait la même chose ».

« C’est ce système, qui date d’un siècle, qu’il faut aujourd’hui changer. »

— Une citation de  Magaye Gaye économiste

Il ne faut pas oublier le rôle que jouent les multinationales qui commanditent largement la FIFA et qui ne sont pas prêtes à perdre leurs privilèges. Il faut donc une véritable volonté politique des États. Les États doivent être responsables. Ils doivent reprendre ce qui leur appartient, au risque de fâcher un groupuscule de dirigeants de la FIFA qui ne sont là que pour leurs intérêts, naturellement, de conclure Magaye Gaye.

Avec ici.radio-canada.ca