On ne le dira jamais assez, le système de mécénat (personne physique ou morale qui soutient financièrement une activité) en football est avantageux pour le club qui en bénéficie sur le court terme, mais peut s’avérer très fragile à la longue, surtout sans organisation structurelle et juridique.
Et nous en avons l’illustration parfaite ces derniers temps, avec le club congolais de l’AS Vita de Kinshasa. En effet, l’ancien président, le Général Gabriel Amissi Kumba, sur les épaules et la poche duquel la vie du club reposait presque entièrement, a quasiment tout emporté avec lui suite à sa démission de la direction, le 28 Mai 2020. Centre d’entraînement, car, et autres biens, qui appartenaient à sa personne et non à la personne morale AS V. Club, sont naturellement partis du club avec lui. A tel point que la nouvelle présidente, Bestine Kazadi, sûrement incapable de racheter les biens à son prédécesseur, se retrouve aujourd’hui avec une association n’existant que de nom, presque sans infrastructures propres à elle, l’obligeant à tout recommencer à zéro, étant contrainte de louer un espace pour les entraînements de l’équipe et un car pour ses déplacements.
Elle-même mécène, partira aussi un jour de la même manière, avec tout ce qu’elle acquerra le long de son mandat, laissant son successeur dans la même situation, et ainsi de suite. Un éternel recommencement, qui n’a pour conséquence que de maintenir le club dans une situation d’instabilité, sans avancer, sans se construire. Ainsi va la vie d’une association, d’une entreprise ou d’une institution qui dépend et est allaitée à la mamelle d’une personne physique, qui devient supérieure à la personne morale.
A contrario, le constat dans les clubs juridiquement et institutionnellement solides est tout autre. Les biens appartenant à la personne morale qu’est l’association, demeurent sa propriété, quelque soient les dirigeants qui se succèdent à sa tête.
C’est le cas par exemple, pour rester dans le contexte sub-saharien africain, de l’ASEC Mimosas, dont le siège et centre d’entraînements (Sol Béni), les cars, le CNACO (siège des supporters), le futur Gboro Gbata, le matériel des médias, etc. font partie et resteront dans le patrimoine, même en cas de départ du club de Maître Roger Ouégnin, l’actuel PCA. Tous ces biens et infrastructures ont été acquis par la trésorerie de l’association « ASEC Mimosas », et non grâce au compte bancaire d’un multimilliardaire, donc le club aurait été à la merci.
La situation que connait l’AS V. Club aujourd’hui, est malheureusement monnaie courante en Afrique. On l’a déjà malheureusement observé en Côte d’Ivoire, avec l’Africa Sports version Simplice Zinsou, le Séwé Sport de San Pedro version Eugène Diomandé ou encore l’AS Tanda version Céverin Yoboua, qui sont aujourd’hui tous les trois en deuxième division.
Cet état de fait guette aussi certains autres clubs africains comme le TP Mazembe de Moïse Katumbi Chapwe et le Horoya AC d’Antonio Souaré, qui ne doivent leur « prestige » actuel qu’à la simple implication de l’individu cité, qui, le moment venu s’en ira et laissera le club à l’abandon, plonger dans les méandres.
Le constat est triste, et tant que nos clubs resteront dans un tel schéma de gestion, le football africain demeurera toujours bon dernier à l’échelle mondiale.
Sans organisation structurée et sans bases juridiques profondes, toute association sportive vivant du mécénat est semblable à un château de carte, dont le moindre petit vent provoque la chute totale.
Nasser Eddy