Le 16 décembre 2024 reste une date historique pour la Guinée. Non pas parce que Serhou Guirassy a manqué de décrocher le Ballon d’Or Africain, mais parce qu’il a réussi l’essentiel : placer la Guinée au centre de la scène footballistique continentale , éveillant des aspirations enfouies, rallumant des rêves que beaucoup croyaient à jamais éteint. Ce soir-là, même si le trophée a été attribué à Ademola Lookman, c’est le nom de Serhou Guirassy que tout un peuple scandait avec une ferveur inédite. Il a porté haut les couleurs de notre pays, devenant, par la même occasion, le plus grand ambassadeur guinéen de sa génération.
Il faut le dire avec force : depuis le sacre légendaire de Chérif Souleymane en 1972 , jamais un footballeur guinéen n’avait atteint un tel niveau de reconnaissance. Plus de cinq décennies d’attente, d’espoirs déçus, de parcours avortés, et voici qu’un homme vient ravir une flamme vacillante. Guirassy n’a pas seulement fait briller la Guinée à travers ses exploits individuels, il a surtout redonné à un peuple un sentiment de fierté et d’unité qu’aucune récompense matérielle ne saurait égaler .
Une soirée qui transcende l’échec!
Certes, nous aurions souhaité voir Serhou soulever ce prestigieux trophée, symbole d’excellence et d’accomplissement. Mais cette soirée ne doit en aucun cas être perçue comme un échec. Elle est une victoire éclatante. Une victoire de résilience, de courage et de foi. Elle montre que la Guinée, bien que souvent marginalisée dans les grandes sphères sportives, peut se hisser au sommet si elle s’en donne les moyens. Serhou Guirassy, par son parcours, nous a enseigné une leçon fondamentale : rien n’est impossible à celui qui travaille avec abnégation et détermination.
Le football ne se résume pas à des trophées. C’est une aventure humaine, un chemin semé d’obstacles, une histoire de conquêtes et de dépassement de soi. Et dans ce récit, Guirassy a écrit l’un des chapitres les plus glorieux du football guinéen. Il a prouvé que la Guinée peut rivaliser avec les meilleurs, non pas par la force des mots, mais par celle des actes.
Son réveil fulgurant en sélection nationale, ses performances stratosphériques en club, et sa capacité à fédérer toute une nation autour de sa personne sont autant de signes annonciateurs d’un avenir encore plus radieux. Son parcours ne fait que commencer. La route est longue, mais Guirassy connaît désormais les exigences et les codes pour atteindre le sommet. Et nous savons qu’il y arrivera.
Un miroir tendu à la Guinée!
Si cette soirée suscite tant d’émotions, elle doit également nous inviter à une profonde introspection. Pourquoi un joueur comme Serhou Guirassy, talentueux, charismatique et brillant, est-il l’exception plutôt que la règle ? La réponse, nous la connaissons tous : la Guinée a trop souvent abandonné ses talents à leur sort.
Nous avons négligé de construire un environnement propice à l’épanouissement des sportifs. Des infrastructures défaillantes, une absence critique de vision stratégique, des querelles intestinales au sein des instances dirigeantes… Ce tableau sombre est le reflet de décennies de laxisme et de mauvaise gestion. Le talent de Guirassy a éclaté non pas grâce à notre système, mais malgré lui.
Pourtant, cette nomination historique nous montre que tout est encore possible. Nous avons le talent, la passion et la ferveur d’un peuple. Ce qui nous manque, c’est la volonté politique, l’organisation et le courage de travailler dans l’ombre, loin des projecteurs, pour bâtir les fondations solides d’un football qui puisse rivaliser avec les grandes nations. Le football ne se joue pas uniquement sur le terrain. Il se prépare, il s’organise, il se défend dans les arènes où se prend les grandes décisions.
Aujourd’hui, la Guinée est absente de ces sphères d’influence. Qui, parmi nous, défend les intérêts de notre pays au sein des instances africaines et internationales ? Qui, parmi nos dirigeants, comprend que l’avenir de notre football se joue également dans les bureaux feutrés de la CAF et de la FIFA ? Trop souvent, nous sommes les spectateurs passifs de décisions prises contre nous, par manque de représentants compétents et stratégiques. « Ce qui se décide sans toi sera toujours contre toi » , dit-on. Cette vérité doit nous interpeller.
Une union sacrée autour de l’avenir!
Malgré ces défis, Serhou Guirassy nous a offert bien plus qu’une nomination au Ballon d’Or Africain. Il nous a offert une raison de croire, une source d’inspiration, un symbole d’unité. Pendant ces quelques jours, la Guinée a mis de côté ses divisions pour célébrer son héros. Ce moment d’unité est précieux. C’est rare. Il doit être préservé.
À travers Guirassy, nous avons compris que nous sommes capables du meilleur lorsque nous œuvrons ensemble pour un objectif commun. Gardons cette énergie, cette ferveur, pour construire un avenir meilleur. Investissons dans nos jeunes talents. Dotons notre pays d’infrastructures dignes de ce nom. Donnons-nous les moyens d’écrire une nouvelle page glorieuse de notre histoire footballistique.
Serhou Guirassy nous a montré la voie. C’est à nous, désormais, de poursuivre l’œuvre qu’il a commencée. Ce Ballon d’Or qu’il a manqué, il nous appartient de lui offrir un jour. Mais pour cela, il faut du travail, de la rigueur, et une vision collective. Rien ne sera donné, tout devra être conquis.
Merci, Serhou!
Serhou Guirassy, ce soir-là, nous t’avons vu marcher sur la scène de l’histoire. Tu n’as peut-être pas touché l’or, mais tu as touché nos cœurs. Et cela, aucun trophée ne pourra jamais l’égaler. Tu es notre Ballon d’Or, non seulement pour ce que tu accomplis sur le terrain, mais pour ce que tu représentes aux yeux de ton peuple : l’espoir, la fierté, et la promesse d’un avenir meilleur.
À travers toi, la Guinée s’est redécouverte, plus forte, plus unie. Ce que tu as commencé ne s’arrêtera pas. Ton match n’est pas fini. Et avec toi, ton peuple continue de rêver, de lutter et de bâtir, jusqu’à ce que l’histoire nous rend ce qui nous appartient.
Sékou Koutoubou Kaba
Journaliste
Tel: 623 12 32 32