La Guinée se trouve au centre d’une polémique de grande envergure alors que la junte au pouvoir envisage sérieusement de changer le nom et emblématique de l’équipe nationale de football.
Cette décision, loin de passer inaperçue, suscite des critiques acerbes de la part de l’opinion publique, qui y voit une tentative iconoclaste et incohérente, posant ainsi la question cruciale de la motivation derrière cette initiative.
Motivations douteuses ou réelle innovation ?
Même s’il n’y aucune communication officielle dans ce sens, les motifs avancés off record par plusieurs acteurs pour ce changement restent évasifs, alimentant des spéculations quant à la véritable intention derrière cette décision. On peut légitimement s’interroger sur la possibilité que ce changement de nom voire d’emblème soit davantage motivé par des considérations politiques ou économiques que par un désir authentique d’innovation sportive. Une analyse approfondie des implications financières révèle que ce processus de rebranding implique des coûts considérables, soulevant ainsi des inquiétudes quant à la gestion transparente des fonds publics.
Conflit avec les statuts des fédérations sportives
Au-delà des préoccupations financières, cette intention se heurte aux statuts bien établis des fédérations sportives, lesquels définissent de manière claire et contraignante les éléments comme les tenues des équipes nationales. L’examen attentif de cette situation met en évidence un écart inquiétant entre la décision gouvernementale et le cadre juridique existant, suscitant ainsi des interrogations sur la légitimité de cette transformation. Les partisans du respect des normes établies soulignent que le sport, en tant que domaine gouverné par des règles, devrait être préservé de toute interférence politique.
Cet aspect prend une dimension particulière lorsque l’on se réfère au CHAPITRE XVI des statuts de la Fédération Guinéenne de Football (FGF), intitulé ”DU PORT DES COULEURS NATIONALES”. L’article 71 stipule de manière catégorique que le port des couleurs nationales est réservé aux représentants nationaux en compétition avec des pays étrangers. De plus, l’article 72 spécifie que toute équipe nationale doit prendre la dénomination “Syli” suivie du nom de la Fédération.
Le conflit devient plus évident avec l’article 73, qui énonce les éléments constitutifs de l’écusson, incluant une tête d’éléphant noir dirigée vers le haut et l’inscription « République de Guinée ». Le projet de la junte de changer le nom et par ricochet de l’emblème va à l’encontre de ces dispositions claires et contraignantes, soulevant ainsi des questions substantielles quant à la légalité et la validité de cette initiative au regard des règles édictées par la Fédération.
Cet écart entre la décision gouvernementale et les statuts établis met en lumière la nécessité de respecter les normes existantes pour préserver l’intégrité et la cohérence des représentations sportives nationales. Il n’est donc pas superflu de dire que la stabilité du football guinéen dépend de la préservation des fondements légaux et des principes énoncés par la Fédération Guinéenne de Football.
L’incertitude politique, la fragilité des changements et l’opacité financière
Cependant, jusqu’à présent, toute cette opération de rebranding national se déroule dans une opacité totale. Actuellement, nul ne sait qui est véritablement derrière le projet, combien il coûtera au contribuable, ni quelle entité mettra la main à la poche. Les informations faisant état d’une somme colossale de 30 milliards de francs guinéens de subvention annuelle pour la seule Fédération Guinéenne de Football (FEGUIFOOT) soulèvent des inquiétudes quant à de potentiels dérapages financiers. Cette subvention étatique ne semble pas prendre en compte les charges traditionnelles de nos équipes sportives nationales. Cette situation met en évidence un manque de transparence qui appelle à une reddition de comptes urgente.
Sur le plan juridique, les statuts de la FEGUIFOOT prévoient également la convocation d’une assemblée générale pour valider ou non la décision gouvernementale par vote. Or, en période de transition militaire, où la Fédération s’engage pleinement dans le renouvellement de toutes ses instances, la question de l’impact de cette décision sur l’ensemble du football, plus généralement sur le sport guinéen, devrait être posée.
En conclusion, l’importance de cette question appelle un débat national, surtout en cette période de transition où un gouvernement issu légitimement d’élections n’est pas en place. La stabilité et l’avenir du football guinéen dépendent non seulement du respect des règles établies mais également d’un processus décisionnel transparent et inclusif. Alors que la Guinée s’engage dans cette transformation, la nécessité d’une approche réfléchie et respectueuse de l’héritage sportif et culturel du pays s’impose plus que jamais.
Par Mohamed MARA