Les 3 matchs nuls du Syli National face à la Guinée Bissau (1 – 1) et contre le Soudan (1 – 1 et 2 – 2) dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde (Qatar 2022) suscitent des phillipiques et même des volées de bois vert contre le coach Didier Six et son staff livrés à la vindicte populaire. Et pourtant, les vraies causes sont ailleurs.
Si l’indignation voire la colère d’un public acquis au cuir rond est compréhensible, il n’est pas juste que les spécialistes et experts confondent l’effet et la cause de cette levée de boucliers. À contrario, j’estime que ces matchs nuls sont plutôt de bons résultats à défaut d’être des performances pour l’équipe d’un pays qui manque cruellement de Politique Sportive dans le vrai sens du terme, et ce depuis des décennies.
Dans un pays où l’unique stade ( 28 septembre) jusqu’en 2020 date de 1964 ( plus d’un demi siècle ) où les terrains de proximité foisonnant partout à Conakry et à l’intérieur du pays n’ont plus de traces, où personne ne se rappelle plus du sport et des compétitions scolaires et universitaires ainsi que dans les quartiers et Communes (pépinières et viviers des talents pour tous les pays), où il faut espérer, compter, courir toujours et souvent en vain derrière les enfants sportifs des ressortissants Guinéens installés en Europe (ces enfants qui ne connaissent pas le pays et n’ont pas forcément les sentiments patriotiques de leurs géniteurs), où il faut même naturaliser ceux qui sont jugés inaptes à défendre les couleurs, les drapeaux de leurs vrais pays, qui souffre de beaucoup d’autres faiblesses, il est évident et même logique que les résultats soient beaucoup plus négatifs face aux équipes des pays où la volonté politique réitérée permet de maintenir la pratique générale du sport, la construction des infrastructures plus ou moins adaptées notamment des centres sportifs où se forment les enfants de tous les âges sportifs, l’organisation régulière des compétitions et à différents niveaux.
Dans une telle situation qui dure depuis des décennies, il est difficile d’imaginer le Syli National constant dans une dynamique de performance des résultats même avec tous les meilleurs coachs du monde à son chevet. Il est même possible que le Syli National réalise un grand exploit , mardi 12 octobre, face aux Lions de l’Atlas sur les installations Cherifiennes. Mais, ce ne sera pas la réalité du Football Guinéen.
Partout dans les pays où on se soucie de l’enfance, de la jeunesse, où la fabrication des élites et talents sportifs, il a été initié et conçu une politique conforme à l’ambition.
Les lointaines performances sportives Guinéennes pas seulement en Football et qu’on continue, à juste titre, de célébrer étaient le fruit d’une politique conçue et mise en œuvre une décennie au moins auparavant. Le premier titre du Hafia, triple champion d’Afrique des Clubs, a été enregistré en décembre 1972 et les suivants en 1975 et 1977 ainsi que les finales de 1976 et 1978 du Club de Conakry 2, la plus grande performance et l’unique finale du Syli National à une phase finale de la CAN en mars 1976 à Addis-Abeba, la participation des volleyeurs Guinéens aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968, les brillants résultats africains dans les années 70 – 80 des basketteurs Guinéens et basketteuses Guinéennes qui ont vaincu les redoutables Lionnes du Sénégal ( de l’époque) en finale du Tournoi de la Zone 2 en 1978, la compétitivité africaine du Volley Guinéen, Handball Guinéen, Basket-ball Guinéen, l’athlétisme Guinéen, le Judo Guinéen, Natation Guinéenne dans les années 70 – 80 ainsi que de la Boxe Guinéenne avec Sadio Bella et d’autres bons résultats resultent d’une certaine vision, d’une véritable politique initiée et mise en œuvre depuis le début des années 1960 avec exclusivement des jeunes Guinéens nés ou vivants de Boke à Yomou. Si dans toutes ces disciplines, l’hymne Guinéen a été respecté partout en Afrique, c’est que ses enfants voués au sport, dans le contexte de l’époque, ont bénéficié d’un environnement permettant de développer et de promouvoir leur talent. Avec un stade omnisports comme le 28 septembre et l’organisation régulière des compétitions à tous les niveaux, les sportifs ont pu honorer la Guinée.
Mais, autres temps, autres mœurs.
Aujourdhui, comme toutes les Nations qui se veulent grandes en matière de sports, la Guinée notamment en Football (l’unique discipline en survivance) devrait d’abord compter sur le développement de son potentiel local à travers ses enfants qui se gaspillent pour se perdre dans la nature le plus souvent que d’attendre aléatoirement l’éclosion de binationaux. Ce qui implique de la part de l’état, à travers son ministère des sports et des Fédération sportives nationales notamment de Football, une véritable refondation permettant de mettre à l’endroit ce qui a été longtemps mis à l’étroit. Ça prendra le temps qu’il faudra, mais, il faut s’y mettre. Il faut absolument sortir de l’illusion et des certitudes de récolter ce dont on a pas semé.
Les enfants qui apprennent dans la rue ne peuvent égaler ceux qui se forment dans les centres spécialisés et sur les terrains réglementaires. Les Nations qui brillent sont celles qui forment et exportent leurs sportifs sur le marché mondial pas les pays qui jouent au traficotage ou se soumettent au marchandage.
Aussi longtemps que nous ne serons pas capables de doter le Syli Football ou les Sylis (avec les autres disciplines) d’un soubassement local, comme tous les autres pays performants, aussi longtemps nos résultats resterons hasardeux, totalement en deçà des espérances et du grand amour du public pour son sport roi.
Abdoulaye Condé journaliste